Pointe d'envie...

Publié le par Comité de rédaction de la Revue Anima

Ce que je vais dire ne se dit pas... Ce n'est pas correct...

La jalousie subtile, l'éclair d'une seconde...

Mais pourquoi, aussi, les plus cruelles maladies n'auraient-elles pas leur face cachée, splendide Vallée inaccessible de l'En-Gaddi ? Et pourquoi ne pousserait-on pas un cri, de temps en temps, devant le spectacle qui nous est imposé partout, dans la rue, les journaux, sur l'écran ?

Un ami me racontait sa visite à l'hôpital auprès d'un homme d'une soixantaine d'années qu'il connaissait bien. Un accident vasculaire cérébral l'obligeait à garder le lit dans cet établissement spécialisé où l'on sait prendre soin de la mémoire lorsqu'elle est atteinte.

L'étrange était que ce monsieur parlait relativement bien. Mais qu'il assemblait des bouts de réalité sans rapport les uns avec les autres.

Cet homme est persuadé soudain qu'il est musulman - qu'il habite une maison où il n'a jamais mis les pieds - qu'il connaît personnellement le soleil.

Ce n'est pas cela que j'ai envié, tout à coup.

Pour commencer sa dernière visite, mon ami lui a montré le journal en pointant du doigt une photographie couleur, à la une :

" Tu peux me dire qui c'est ?"

Non.

Il ne savait pas.

Il y a encore quelqu'un en France qui ne sait pas qui est Nicolas Sarkozy.

Dans son malheur, il ne sait pas qu'il échappe au coup de poing généralisé des couvertures de magazine, des émissions TV, des sites Web qui injectent dans tous les cortex depuis deux ans le spectacle de cette figure crispée de directeur de supercharmé.

Vierge de tout reportage, cet homme malade.

Libéré de tout bourrage de crâne.

Dans la valse poignante de ses pensées, loin de l'impératif sommaire.

Qu'un baiser fraternel réconforte un tant soit peu son front tourmenté et pâle ! 

Il nous indique malgré lui la route à suivre : sans accorder une once de notre esprit à l'inessentiel musclé, au lyrisme des caméras et à la vie spornlitique, levons un bras vers le paradis ! avançons-nous vers la mer aux entrailles de raisin ! (dixit Claudel)...

Une dure et saine réalité prévaut, que signent l'arbre, la peinture et les livres. Le désert immédiat semble toujours crier plus fort que ces humbles nichées de verdure peuplées de siècles. Mais marchons avec courage, loin de ces seringues visuelles qui comblent nos pupilles et nous extorquent nos forces.

 

Christophe Langlois

 

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