Nous aurons beau dire

Publié le par Comité de rédaction de la Revue Anima

Nous aurons beau faire, nous aurons beau faire, ils iront toujours plus vite que nous, ils en feront toujours plus que nous, davantage que nous. Il ne faut qu’un briquet pour brûler une ferme. Il faut, il a fallu des années pour la bâtir ; ça n’est pas difficile ; ça n’est pas malin. Il faut des mois et des mois, il a fallu du travail et du travail pour pousser une moisson. Et il ne faut qu’un briquet pour flamber une moisson. Il faut des années et des années pour faire pousser un homme, il a fallu du pain et du pain pour le nourrir, et du travail et du travail et des travaux et des travaux de toute sorte. Et il suffit d’un coup pour tuer un homme. Un coup de sabre et ça y est. Pour faire un bon chrétien il faut que la charrue ait travaillé vingt ans. Pour défaire un chrétien il faut que le sabre travaille une minute. C’est toujours comme ça. C’est dans le genre de la charrue de travailler vingt ans. C’est dans le genre du sabre de travailler une minute ; et d’en faire plus ; d’être le plus fort. D’en finir. Alors nous autres nous serons toujours les moins forts. Nous irons toujours moins vite, nous en ferons toujours moins. Nous sommes le parti de ceux qui construisent. Ils sont le parti de ceux qui démolissent. Nous sommes le parti de la charrue. Ils sont le parti du sabre. Nous serons toujours battus. Ils auront toujours le dessus dessus nous, par-dessus nous.

 

 

 

Nous aurons beau dire.

 

 

 

 

 

 

 

 

Péguy, Le mystère de la charité de Jeanne d’Arc, Gallimard, 1942, p 27-28

 

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